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SAFRAN



Safran (Crocus sativus), famille des Iridacées


Saffran qui porte un nom Arabe

Fait que mieux on rit et se gabe.

N’en prends pas pour autant par excez,

Car il causeroit ton decez ;

Tout en riant t’en irois boire

Du Styx infernal l’onde noire.

Le saffran rejouit le cœur,

Et aux membres donne vigueur(1).

 Anonyme

 

Le terme safran vient du latin médical safranum, emprunté à l’arabe za’farān, venant lui-même de assfar (jaune). Les noms indiens Kesar et sanscrit Kashmiraan proviennent de la région du Kashmir d’où est originaire l’ancien safran. Le safran serait également originaire du Népal mais on le trouvait dans tout le bassin méditerranéen grâce peut-être aux botanistes accompagnant Alexandre le Grand. Les Chinois de la dynastie Yüan le nommaient Sa-fa-lang.



Le Crocus sativus fait partie des plantes citées dans la mythologie grecque et Les Métamorphoses d’Ovide : alors que Crocos jouait au disque avec le dieu du Commerce et de l’Intelligence, un coup malheureux l’étendit raide mort, et du sol baigné de son sang naquit le safran. La nymphe, Smilax, qui l’aimait fut transformée en liseron (smilax donna son nom à la salsepareille(2)). Dans l’Illiade d’Homère, le crocus est appelé Krokos, mot qui désignait le safran. Une autre légende raconte qu’en 327 av. J.-C., Alexandre le Grand fit camper son armée dans une vallée aride du cachemire. Le lendemain matin, toute la vallée était couverte d’un tapis bleu-mauve des fleurs de crocus ; Alexandre y vit un mauvais présage et décida qu’il n’irait pas plus loin. Ainsi se termina sa conquête du monde.

En Sardaigne, le safran est presque aussi précieux que l’or, en raison du profit que l’on peut tirer de sa culture. La culture du Crocus sativus occupe dans cette région une superficie de trente hectares, pour une production de deux quintaux. La récolte débute fin octobre et commence par l’extirpation des stigmates, qui sont ensuite mis à sécher sur des tamis soumis à la chaleur de la braise. Le rendement est de six à huit kilos de stigmates par hectare de fleurs. Cent vingt fleurs sont nécessaires à la production d’un seul gramme de safran. Le safran fraîchement cueilli est pratiquement inodore ; le safranal, son comportement odoriférant(3), se développe uniquement pendant le processus de séchage.

Le safran apparaît pour la première fois sur une célèbre fresque du palais de Minos, à Cnossos, en Crète. Le safran fut d’abord apprécié pour ses propriétés médicinales et tinctoriales. Des papyrus égyptiens du XVIème siècle av. J.-C. énumérèrent plus de trente préparations différentes à base de safran. Il servait à l’embaumement des momies et à la teinture des linceuls. Cléopâtre l’aurait employé comme produit cosmétique. En Assyrie, les prêtres magiciens de Ninive l’utilisaient pour déchiffrer les augures à l’aide d’immenses cuves d’eau, dans lesquelles ils jetaient quelques pincées de safran. Celui-ci, en se diluant, formait des circonvolutions, des dessins, signes magiques décryptés par les prêtres.

La plus vieille référence connue du safran comme force et stimulant sexuel est décrite dans un livre de médecine chinoise datant de 2600 ans av. J.-C. Les Phéniciens saupoudraient de safran les draps des nuits de noce pour améliorer la fertilité des futurs époux. Grâce à eux, le safran fut introduit dans la culture sémite. Pour leur mariage, les mariées carthaginoises et phéniciennes se couvraient le visage d’un voile teinté au safran, en signe de fertilité.

Les Romains et les Grecs l’utilisaient pour teindre leurs textiles, leurs laines et leurs tapis, ainsi que pour parfumer leurs bains publics. Les Romains considéraient principalement les vertus thérapeutiques et aphrodisiaques du safran et ils en parsemaient la couche des jeunes mariés. Ils confectionnaient une potion aphrodisiaque en faisant infuser du safran dans du vin. A cette époque, cette épice a même la réputation de corrompre les Vestales. Elle favorisait même une certaine jovialité. Les Romains préparaient également une teinture alcoolique qui servait à parfumer les théâtres. A cette époque, le safran était cultivé en Mésopotamie, en Perse et au Cachemire. Au VIIIème siècle, les Arabes étendirent ces cultures en Espagne, puis en France, dans le Gâtinais(4) où Boynes(5) fut la capitale mondiale du safran du XVIème au XIXème siècle. Dans cette ville, les bulbes de crocus à safran faisaient partie des dots de mariage et Boynes organisait également un carnaval du safran. C’est à la foire de Boynes ou à celle de Beaune que se vendaient les meilleurs safrans du Gâtinais ; jusqu’au XVIIème siècle, les Allemands et les Hollandais venaient acheter leur safran à Boynes, vers la fête de la Toussaint, puis la vente se fit par commissionnaires demeurant à Pithiviers et le marché du safran cessa de se tenir à Boynes. Par la suite, les cultures se propagèrent en Allemagne à partir du XIème siècle, et en Angleterre du XVIème au XVIIIème siècle.

Au Moyen Age, le safran était une épice adorée qui symbolisait la fécondité. D’autre part, la contrebande ou la falsification de cette plante précieuse, tout à la fois épice, teinture et remède, pouvait être punie de la peine de mort. A Nuremberg, en 1456, un certain Hans Kölbele fut enterré vivant pour détention illicite de safran ! On trouve d’ailleurs du safran en Suisse, car une légende prétend qu’au Moyen Age un soldat aurait emporté en Valais le bulbe de cette plante précieuse en le cachant dans sa chevelure.

Le seul parfum du safran, profondément respiré, avait la réputation de procurer « un sommeil réparateur et des songes agréables »(6).

Le safran est aussi l’un des plus ancien colorant connu. La teinture des vêtements avec du safran est citée dans la Bible. Les Romains teignaient leurs cheveux en les rinçant avec du safran et de la camomille. Les vêtements des moines bouddhistes ne sont pas teintés à l’aide du safran comme on le pense à tort, mais grâce au bois du cœur d’un arbre de la famille du mûrier. Cependant, cette couleur est pour eux symbole de sagesse. Le safran a également tenu un rôle important dans l’enluminure et l’art de la miniature pour les dorures et les imitations de l’or. Les rois et les princes dépensaient une fortune afin d’en teindre leurs robes. On tirait des fleurs du souci une teinture jaune pour les textiles que l’on appelait "le safran du pauvre" car ses fleurs étaient utilisées pour donner de la couleur et du goût à certains plats. Aujourd’hui encore, les pétales de souci servent à aromatiser salades ou fromage blanc comme substitut du safran, et sont employés dans la cuisson du riz qu’ils colorent.

En Inde, comme nous l’avons vu dans la partie sur la menthe, "l’homme au parfum" enduit la pomme d’Adam, le nombril et les aisselles du futur marié avec de la menthe puis le lobe des oreilles et le cou de safran et de Chypre, mélange connu comme excitant.

Si le safran n’a pas beaucoup de goût, il dégage un délicieux parfum et est indispensable dans les paellas, les bouillabaisses et les risottos. Le risotto au safran était un plat festif des traditions gastronomiques flamandes et lombardes. Il symbolisait la fécondité, le safran étant lui-même l’image du soleil et de la lumière la plus bénéfique. C’est pourquoi au Moyen Age, le risotto au safran était un plat typique de repas de noce : on dit qu’il est contenu dans les assiettes portées par les serveurs dans le célèbre tableau de Bruegel l’Ancien, le Repas de noces.

En Suède, à l’aube de la fête de la Sainte-Lucie le 13 décembre, la tradition veut qu’une jeune fille, toute habillée de blanc et couronnée de bougies allumées, entre dans la chambre des parents pour leur servir des petits pains et gâteaux safranés accompagnés de thé ou de café.

Le safran accompagne très bien les fruits de mer, les poissons, les currys et aromatise un grand nombre de liqueurs. Il en colore également certaines, comme la chartreuse. Le safran est très important dans les cuisines d’Asie centrale et du nord de l’Inde. Il doit être ajouté dans les derniers instants de la cuisson pour conserver toute sa saveur.

C’est une des épices les plus copiées de l’histoire. Il convient de l’acheter en filaments. Au Ier siècle de notre ère, Pline prévenait déjà les amateurs : « rien ne se falsifie autant ». Le curcuma en est l’un des ersatz, on l’appelle parfois "safran des Indes". En Asie, le curcuma remplace le safran en teinturerie. Autrefois, le safran fut également falsifié avec la fleur de carthame, proche d’un point de vue couleur ; pour savoir si le marchand nous avait volé, on recommandait de plonger la main dans le sac et si les stigmates restaient collés aux doigts, il y avait falsification, qui pouvait être punie de mort.

Le safran a jadis donné son nom à des préparations médicinales qui n'avaient rien à voir avec lui. Ainsi ce "safran de Mars apéritif", qui était en fait de l'hydroxyde de fer, ou ce "safran de Mars à la Rosée", de la limaille de fer exposée à la rosée.

Dans la diététique chinoise, il disperse les stases de sang, favorise la circulation du sang.

En médecine douce, le safran est diurétique, tonique pour le cœur, stimulant.

En fort dosage, c’est-à-dire à plus de cinq grammes, le safran possède des propriétés toxiques. Il a même été utilisé comme principe d’avortement. Mais vu son prix élevé, il n’est pas très utilisé comme poison.





1. Poème anonyme diffusé par l’école de Salerne. 
2. Arbuste épineux à tige sarmenteuse ; en Europe : liseron. 
3. Composé majoritaire responsable de la typicité de l’arôme du safran, qui se développe au cours du séchage à partir d’un précurseur glycosidique, la picrocrocine. 
4. La culture du safran en Gâtinais commence après les croisades. A la fin des années 1940, les plantations s’éteignirent à la suite de plusieurs hivers rigoureux, mais elles connaissent un renouveau depuis 1987 grâce à l’association Les safraniers du Gâtinais créée par un groupe d’agriculteurs. 
5. Depuis 1988, Boynes possède un musée du safran. 
6. M. de Rivasson, Les parfums magiques, Paris, Perthuis, 1980, p. 101.

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