Aubergine
(Solanum melongena L., Solanum
esculentum Miller),
Famille des Solanacées
Légende thaï de l'Aubergine
Merveilleuse :
Jadis, le roi de Chieng Ray (Thaï) au
pays de Yonôk, à la suite de l’invasion du roi voisin, De Satong du se réfugier
au sud avec tout son peuple et vint s’établir à Tay Trung. Sous le règne de son
quatrième successeur, un jeune homme du pays atteint d’une grave maladie de la
peau, avait le corps couvert de plaies et fut surnommé Sène Pom, qui signifie «
cent mille tumeurs ».
Dans son jardin, il avait fait pousser
un plan d’aubergine qu’il avait arrosé de son urine et qui donnait un beau
fruit d’une grosseur extraordinaire. La princesse de Tay Trung, tentée par
l’apparence succulente de l’aubergine, la fit acheter, la mangea, et fut par
suite enceinte. Le roi, son père, ordonna une enquête pour trouver, vainement,
l’auteur de ce délit de lèse-majesté.
Au bout de dix mois, la princesse mit au
monde un beau garçon. Le roi, sur les conseils des oracles, fit venir tous les
jeunes gens du pays en leur donnant l’ordre d’apporter chacun un plateau de
gâteaux et de friandises pour offrir au garçon, fils de la princesse, et
stipula que celui, dont le contenu du plateau serait goûté par ce garçon,
serait son père. Sène Pom vint, mêlé à la foule des jeunes gens. Mais à la vue
de celui-ci, le garçon accourut et l’embrassa. Indigné et honteux, le roi
chassa la princesse du palais.
Emmenant le garçon, elle vint habiter la
chaumière de Sène Pom.
Alors, Indra (dieu du brahmanisme)
apparut sous la forme d’un singe et offrit à Sène Pom un tambour magique qu’il
aurait à faire résonner chaque fois qu’il voudrait voir se réaliser ses
souhaits.
Grâce à ce tambour merveilleux, Sène Pom
put se métamorphoser en un beau jeune homme, avoir une très grande fortune,
faire construire de beaux palais appelés Thep Nakhon, et devenir lui-même roi
en 1319, sous le nom de Sin Chay Chieng Sen.
Après la mort de Sin Chay Chïeng Sen,
son fils Uthong lui succéda. Vers 1344, Uthong transféra sa capitale au bord de
la Son, qu’il nomma Krung Thep Maha Nakhon. Les rois de Thaïlande sont les
descendants de Sène Pom et de Uthong.(1)
Aubergine vient du catalan alberginia,
déformation de l’arabe Al badindjan lui-même venant de la racine persane
al batingan ou badindjan et du sanscrit vatin gana. Au
XIème siècle, Avicenne(2) en
parle dans ses traités de médecine et l’appelle al betigenn, qui a donné
son nom espagnol alberengena, dont dérive aubergine.
Originaire d’Asie tropicale, d’Inde et/ou de Birmanie, elle
était cultivée en Chine quatre siècles av. J.-C., puis les caravanes
arabes l’introduisirent dans le bassin méditerranéen où elle fut adoptée
rapidement par ses peuples. On trouve beaucoup de recettes contenant des
aubergines dans les livres de cuisine arabo-persanne et arabo-andalouse du
début du XIIIème siècle. Ensuite ceux-ci en emportèrent des graines en Espagne
au VIème siècle. Elle était donc inconnue des Grecs et des Romains Anciens. Au
début du Moyen Age, dénigrée par les médecins européens, elle était considérée
comme une plante ornementale. En Angleterre, on en connaissait au moins une
variété qui avait la forme d’un œuf et était de couleur blanche. Elle fut alors
baptisée egg-plant (plante-œuf). D’ailleurs l’aubergine thaïlandaise est de nos
jours, encore plus petite qu’un œuf.
L’aubergine n’est diffusée dans le reste de l’Europe
qu’à partir du XVème siècle. C’est Louis XIV qui l’imposa dans son potager,
surtout farcie. Cependant, ressemblant à la belladone(3) (hautement toxique)
et à la mandragore(4)
(plante utilisée par les sorciers), elle avait mauvaise réputation ; on la
surnommait "plante des fous", "pomme des fous", "pomme
malsaine" (mala insana) ou "pomme de Sodome", melonge ou
mellongiano. Elle était soupçonnée être responsable de graves maladies. De goût
très amer à l’époque, elle fut accusée d’engendrer la lèpre, l’épilepsie !
Elle se répandra dans le reste de l’Europe vers le XVème siècle. Le botaniste
allemand Leonard Fuchs(5)
écrit au XVIème siècle : « le seul nom d’aubergine doit effrayer ceux
qui ont souci de leur santé ». Linné(6) la
surnomma Solanum insanum, c’est-à-dire non saine, impropre à la
consommation ; mais comme les gens commençaient à l’apprécier, il modifia
le nom en Solanum melongena, signifiant pomme mauvaise mais apaisante.
Au XVIIIème siècle, elle sert de cataplasme. Ce n’est
qu’en 1825 qu’elle sort de son anonymat et est introduite sur les marchés
parisiens grâce à Decouflé, maraîcher de la rue de la santé. Elle fut longtemps
l’apanage de la cuisine méditerranéenne et fut introduite aux États-Unis par
Thomas Jefferson(7)
qui fit différentes expériences de culture.
Sa couleur violette rappelle l’habit des évêques ainsi
que l’uniforme des préposés de police, et par extension, ces préposés
eux-mêmes. "Raclure d’aubergine", "aubergine académique", font
aussi allusion à sa couleur.
Dans les restaurants orientaux, on trouve parfois des
aubergines frites à l'huile sous le nom de "Iman Bayildi". Une
légende raconte l’origine de ce plat : il y a très longtemps en Orient, un
prêtre voulait épouser une jeune fille, grande cuisinière. Pour la dot, il
exigea du père douze grosses jarres remplies d’huile d’olive la plus pure.
Après les noces, la jeune mariée fit mettre à tremper des aubergines dans les
jarres, et quelques jours plus tard, elles avaient littéralement bu la dot.
Devant ce phénomène, l’Imam tomba raide mort. "Iman Bayildi" signifie
"la syncope du prêtre".
La ratatouille, le baba ghanoush et la moussaka
sont des préparations dans lesquelles l'aubergine est indispensable. On en
trouve des variétés très diverses : des blanches, des vertes pâles, des
rondes, des courtes, des longues, etc.
Ce légume est une bonne source de potassium et de
vitamines. Il est antirhumatismal, digestif, diurétique, sédatif, il combat la
constipation et diminue le taux de cholestérol.
1. D’après Schweisguth, Étude
sur la littérature Siamoise, Paris 1951
2. 980-1037. Médecin,
philosophe et mystique arabo-islamique d’origine iranienne. Plusieurs de ses
traités nous sont parvenus, notamment son Canon de la médecine, qui fut
longtemps la base des études médicales tant en Orient qu’en Occident.
3. Plante toxique à baies noires,
contenant un alcaloïde, l’atropine, utilisé en médecine.
4. Plante dont la racine
fourchue comparée à une forme humaine était connue pour avoir des vertus
magiques.
5. 1501 – 1566.
6. Naturaliste suédois
(1707-1778). Médecin et botaniste du roi, il formula une classification des
espèces en botanique, puis en zoologie
7. Écrivain politique,
juriste et troisième président des États-Unis (1743 – 1826).
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