Grande sauge, sauge écarlate, sauge
éclatante, sauge des jardins (Salvia officinalis),
famille des Labiées (Lamiacées)
Qui a de la sauge dans son jardin n’a plus besoin de médecin
dicton
Pourquoi mourrait l’homme dans le jardin
duquel pousse la sauge si
ce n’est qu’il n’existe aucun remède contre
le pouvoir de la mort ?
Vieux dicton
Sauge vient du latin salvia (guérir) de salvare (sauver), à cause des propriétés médicinales de la plante et à son action régénératrice sur l’organisme. Officinalis désigne toute plante utilisée comme remède.
Voici une
légende intitulée "la fuite en Egypte ou la légende de la sauge"(1) :
« Tandis que les bourreaux du roi Hérode, féroces et tout couverts de
sang, fouillaient la région de Bethléem pour égorger les petits enfants, Marie
se sauvait à travers les montagnes de Judée, serrant le nouveau-né sur son cœur
tremblant. Joseph courait à l'avant lorsqu'ils apercevaient un village, pour y
demander l'hospitalité ou même un peu d'eau pour baigner le petit. Hélas, les
gens étaient ainsi faits, dans ce pays si triste, que personne ne voulait rien
donner, ni eau, ni abri, pas même une bonne parole. Or, tandis que la pauvre
mère se trouvait ainsi seule, assise au bord du chemin pour allaiter le petit,
tandis que son époux menait l'âne à boire à un puits communal, ne voilà-t-il
pas que des cris se firent entendre à peu de distance. En même temps, le sol
trembla sous le galop des chevaux approchants. Où se réfugier ? Pas la
moindre grotte, ni le plus petit palmier. Il n'y avait, près de Marie qu'un
buisson où une rose s'ouvrait.
- "Rose,
belle rose, supplia la pauvre mère, épanouis-toi bien et cache de tes pétales
cet enfant que l'on veut faire mourir, et sa pauvre mère à demi morte." La
rose, en fronçant le bouton pointu qui lui servait de nez, répondit :
- "
Passe vite ton chemin, jeune femme, car les bourreaux en m'effleurant
pourraient me ternir. Vois la giroflée, tout près d'ici. Dis-lui de t'abriter.
Elle a assez de fleurs pour te dissimuler.
- Giroflée,
giroflée gentille, supplia la fugitive, épanouis-toi bien pour cacher de ton
massif cet enfant condamné à mort et sa maman épuisée." La giroflée, tout
en secouant les petites têtes de son bouquet, refusa sans même
s'expliquer :
- "Va,
passe ton chemin, pauvresse. Je n'ai pas le temps de t'écouter. Je suis trop
occupée à partout me fleurir. Va voir la sauge, tout près d'ici. Elle n'a rien
d'autre à faire que la charité.
- Ah !
Sauge, bonne sauge, supplia la malheureuse femme, épanouis-toi pour cacher de
tes feuilles cet innocent dont on veut la vie et sa mère, à demi morte de faim,
de fatigue et de peur." Alors tant et si bien s'épanouit la bonne sauge
qu'elle couvrit tout le terrain et de ses feuilles de velours fit un dais, où
s'abritèrent l'Enfant Dieu et sa mère. Sur le chemin, les bourreaux passèrent
sans rien voir. Au bruit de leurs pas, Marie frissonnait d'épouvante, mais le
petit, caressé par les feuilles, souriait. Puis, comme ils étaient venus, les
soldats s'en allèrent. Quand ils furent partis, Marie et Jésus sortirent de
leur refuge vert et fleuri.
- "Sauge,
sauge sainte, à toi grand merci. Je te bénis pour ton bon geste dont tous
désormais se souviendront." Lorsque Joseph les retrouva, il avait de la
peine à soutenir le train de l'âne tout ragaillardi par une vaste platée d'orge
qu'un brave homme lui avait donnée. Marie remonta sur la bête en serrant contre
elle son enfant sauvé. C'est depuis ce temps-là que la rose a des épines, la
giroflée des fleurs malodorantes, tandis que la sauge possède tant de vertus
guérissantes ».
Originaire
d’Europe méridionale, plante magique parée de toutes les vertus, la sauge est
connue depuis la nuit des temps. Pour toutes les populations de
l’Antiquité, elle était considérée comme une plante merveilleuse. Les Romains
l’appelaient l’"herbe sacrée" ; ils la
cueillaient à la main, avec respect, vêtus de toges immaculées, les pieds nus.
Comme les Grecs et les Arabes, ils l’employaient communément comme tonique et
en compresse contre les morsures de serpents. La
sauge était autrefois associée à l’immortalité et à la longévité. Elle
aidait à concevoir les enfants. En effet, les femmes égyptiennes avaient
l’habitude de boire du jus de sauge pour accroître leur fertilité.
Il
y a plus de deux mille ans déjà, les Celtes connaissaient l'effet ensorcelant
de la sauge, et les druides la tenaient pour une plante magique capable de
guérir toutes les maladies. S’ils utilisaient leur serpe, celle-ci ne devait
jamais être fabriquée d’un métal ferreux. Ils ajoutaient souvent
de la sauge dans l’hydromel et dans la cervoise et utilisaient
cette plante pour préparer des tisanes et des infusions qu'ils buvaient lors de
cérémonie religieuses afin de se mettre en condition prophétique et de pouvoir
entrer en transes. L'histoire raconte que ces transes ressemblaient à des
crises collectives d'épilepsie. L'épilepsie était alors considérée comme la
maladie des dieux et l'on croyait que ceux qui étaient possédés par cette
maladie sainte bénéficiaient d'un accès particulier aux esprits et aux dieux.
Ses effets étaient magiques puisqu’elle avait le pouvoir de rompre les
enchantements. Les Gaulois lui attribuaient même la faculté de ressusciter les
morts(2).
Les sorciers en glissaient dans leurs bûchers sans doute pour les purifier. Au XIIème
siècle, un adage de Salerne affirmait que la consommation de sauge permettait
de communiquer avec l’au-delà et de prédire l’avenir. Charlemagne la fit cultiver par ses
fermiers et la mit en tête de liste des herbes royales.
Chez les Amérindiens, la
sauge a un rôle de purification. Ces peuples font appel à la fumée qui s’élève
vers le ciel ; ils font alors brûler de grandes brassées de feuilles de
sauge. Au dessus du la fumée, ils étendent les mains et attirent vers eux la
fumée bienfaitrice en se frottant le corps aux endroits malades. Si plusieurs
personnes sont atteintes, le sorcier pousse la fumée sur chacun des assistants
à l'aide d'une plume. Ils affirment même que la sauge a un pouvoir spirituel
qui chasse les mauvais esprits de la tête et referme les trous énergétiques en
contribuant ainsi à la guérison de l'esprit. Elle éloigne aussi les mauvais
esprits autour de soi, c'est pourquoi les Amérindiens la fument dans de longues
pipes.
A
l’époque des grandes épidémies de peste en Europe, elle était l’un des
composants du célèbre "vinaigre des quatre voleurs". Les Chinois
prisaient si fort la sauge qu’ils l’échangeaient contre des caisses de feuilles
de thé si précieuses pour eux.
En Provence,
on la récoltait au matin de la Saint-Jean alors que le premier rayon de soleil
frappait la haute cime. Elle appartient encore au folklore et à la tradition
culinaire provençale qui a donné naissance à plusieurs dictons(3)
dont :
Celui qui n'a pas recours à la sauge
Ne se souvient pas de la Vierge.
Au
Moyen Age, la sauge avait, dit-on, un pouvoir salvateur qui allait
jusqu'à réunir les couples désunis ou guérir les maux de l'âme occasionnés par
un amour sans retour. Il suffisait de percer trois fois une feuille de sauge et
d'enfiler un cheveu de l’amoureux transi avec un cheveu de sa bien-aimée dans
les trous. La feuille était ensuite brûlée au seuil de sa maison et il était
assuré d'un amour éternel.
La sauge est un remède excellent pour stimuler et
raffermir la mémoire
réchauffer et exciter les sens et les conserves que
l'on peut faire
avec ses fleurs rendent les mêmes services.
De
tout temps, la pharmacopée attribua de nombreuses vertus à la sauge qui a été reconnue dans la médecine
populaire capable d’éloigner le spectre de la mort et de guérir tous les petits
maux. Au XVIIlème siècle, on roulait les feuilles de sauge comme des
cigarettes. Tous les asthmatiques se mettaient à fumer de la sauge dès
l'apparition du premier pollen printanier. On a aussi utilisé la plante pour
traiter les verrues. L'huile essentielle de sauge est utilisée pour arrêter la
transpiration excessive. Elle est un excellent tonique général,
recommandé en cas de troubles gastriques, nerveux ou circulatoires, elle est
aussi antiseptique et astringente. En administrant une dose
élevée de sauge, il est possible de provoquer des crises d'épilepsie. A petites
doses, la sauge est anti-inflammatoire, en particulier pour les muqueuses. En
tisane, elle fait tomber la fièvre, soigne le rhume et régularise la
transpiration. En hiver, on peut purifier l’atmosphère pendant les épidémies de
grippe, en jetant une poignée de sauge dans une casserole d’eau chaude qui
mijote doucement sur la cuisinière.
La
sauge est reconnue depuis les temps anciens pour ses qualités en cosmétologie. Les barbiers de l'époque pharaonique
fabriquaient des onguents afin de fortifier les cheveux, dont une huile d'olive
parfumée à la sauge et au romarin qui, plus tard, fut enrichie à l'huile de
maïs. Certains groupes d'Amérindiens mélangeaient la sauge avec de la graisse
d'ours pour guérir les problèmes de peau.
En cuisine, la sauge
s’accommode à peu près de tous les mets. Les Provençaux utilisent la sauge pour
une soupe baptisée "aïgo boulido", ce qui signifie "sauve
la vie".
1. Rapportée par Joseph Roumanille, repris par M. Toussaint-Samat in Légendes
et écrits du temps de Noël.
2. D’après J.P. Branlard, "Croyances comestibles et populaires", in Le
Courrier de l’INRA, n°42, février 2001.
3. Voir plus haut.
4. Apothicaire, auteur du Médecin anglais (1653).
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