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CHOUX, BROCOLIS, CHOUX-FLEURS, CHOUX-RAVES, ETC.



Chou vert, chou frisé ou chou d’hiver (Brassica oleracea var. Acephala),
chou de bruxelles (Brassica oleracea var. Gemmifera), chou de Milan ou chou de savoie (Brassica oleracea var. Sabauda),
chou cabus, quintal d’Alsace (Brassica oleracea var. Capitata),
chou rouge (Brassica oleracea var. rubra),
chou brocoli-asperge, chou broccoli-calabrais (Brassica oleracea var. Cymosa),
chou-fleur (Brassica oleracea var. Botrytis),
chou marin (Crambe maritima),
chou-rave (Brassica oleracea var. Gongylodes),
et trois variétés de choux chinois parmi les plus connues en occident depuis le XVIIème siècle :
 Gai lon (Brassica alboglabra), Pak-choï ou Bok choy (Brassica chinensis), Pe-tsaï ou chou chinois (Brassica pekinensis)

Famille des Crucifères(1) (Brassicacées)




Hiver n’est bon que pour les choux
Ou qu’à faire gagner la toux
Anonyme



Le nom de ce groupe : Brassica, est d’origine celtique, il vient de bresic signifiant chou. Capitata vient de l’italien cappucio signifiant grosse tête.
Brassica oleracea, comprenant un grand nombre de variétés de choux du nord au sud de l’Europe, est d’origine européenne. Plusieurs sortes de choux sont issues de la plante sauvage appelée "chou de mer". Le chou rouge doit sa couleur à un pigment : l’anthocyanine.


Le chou
La culture du chou remonte à quatre mille ans ; il était conservé dans la saumure par les populations de Chine et de Mongolie. Le collard est une forme très ancienne du chou ; aujourd’hui il est encore consommé en Europe méridionale et dans le sud des États-Unis. Les choux servirent à nourrir les constructeurs de la Grande Muraille au IIIème siècle av. J.-C. Le chou arrive en Europe de l’Est au gré des chevauchées des Huns(2) et des Mongols. Si ces derniers apportent un mode de conservation et un goût inconnu en Europe, le chou n'en est pas moins depuis longtemps l'aliment fétiche de tout un continent avant l'introduction de la pomme de terre. Ils ont garni les assiettes des Français pendant de longs siècles ; si certaines populations pauvres ont été les victimes de moquerie – elles étaient traitées par exemple de "ventrachoux" -, cette nourriture leur apporta un bon équilibre alimentaire. Le chou de Bruxelles apparut en Belgique en 1820, à la suite d’une intense sélection. Le chou-rave serait issu du chou à moelle, un type de chou non pommé dont la tige de certains sujets possédait un renflement charnu. Cette variation a donné naissance à une lignée que les Romains appelaient le chou de Pompéi. Jusqu'à l'époque de César(3), on mangeait le chou en tige, comme les brocolis ; la demande était telle que le prix atteignait parfois des sommets. Les Romains en consommaient les feuilles pendant les orgies pour prévenir l’ivresse. On commence ensuite à le consommer pommé, en grosses têtes. Lors de la Guerre de Cent Ans(4), les combats se gagnaient ou se perdaient selon le ravitaillement en chou des différents cantonnements des soldats.

Une légende dit que le chou naquit un jour alors que Lycurgue(5) avait trop pleuré. Fatigué de voir ses sujets boire jusqu’à l’ivresse, il fit arracher tous les plants de vigne et les remplaça par des choux. Avec le temps, les vignes repoussèrent mais depuis ce temps-là, les Romains et les Grecs dirent que le chou chassait la mélancolie. Ils en mangeaient quelques feuilles crues avant de débuter un banquet. Cette tradition s’est perpétrée dans les pays de l’Est pour annihiler les effets de la vodka. Les Romains l’utilisèrent comme médicament pendant six cents ans. Le cuisinier de Charles VI, Taillevent(6), préparait pour son roi de nombreux plats de choux, dont une variété disparue, le chou de Senlis. C’est Catherine de Médicis qui apporta en France la plus grande variété de choux dont le célèbre chou de Milan. Autrefois, le chou était associé aux bébés, on disait même qu'il les faisait naître car on apportait au lit un grand bol de soupe au chou fumante aux jeunes mariés au réveil de leur nuit de noces. Louis XIV aimait se promener dans les jardins royaux dessinés par Le Nôtre(7) où fleurs, fruits et légumes se côtoyaient en harmonie. Un jour qu'il s'entretenait avec son maître-jardinier, il voulut le remercier pour avoir créé tant de beauté. « Je voudrais vous anoblir, dit-il, que désirez-vous comme armoiries ? » Le paysan, en toute simplicité, répondit en riant : « il me suffira, Sire, de trois limaçons sommés d'un trognon de chou ». C'est sous le même règne que les capitaines au long cours s'aperçurent des propriétés médicinales de ce gros légume pommé dont ils embarquaient des tonnelets afin d'éviter le scorbut. Dans Le Ménagier de Paris, on trouve un paragraphe qui décrit cinq variétés de choux : « Et sachez qu'il faut mettre les choux sur le feu tôt le matin et les cuire très longuement, et plus longuement que nul autre potage, et à bon feu fort ; ils doivent tremper en graisse de bœuf et pas une autre - qu'ils soient choux pommés ou une autre variété, sauf les choux de remontée. Sachez aussi qu'un bouillon gras de bœuf et de mouton convient bien mais pas celui de porc qui n'est bon que pour les poireaux ».

Dans la classification hippocratique médiévale, le chou est un aliment humide. Le poète Macer Floridus(8) écrit : « Quoique ce soit une plante vulgaire de nos jardins, le chou ne laisse pas d'avoir un grand nombre de vertus salutaires ». Au Moyen Age, les feuilles de chou étaient malaxées à la main puis écrasées dans de l'argile pour enduire le corps atteint de rhumatisme, les articulations étant trop souvent aux prises avec l'humidité qui pénétrait dans la moindre chaumière et jusque dans les châteaux. Jusqu'à très récemment, les mères faisaient bouillir une feuille de chou qu'elles appliquaient, bien chaude, sur le ventre de leurs filles lorsqu'elles avaient mal au ventre.

Légume funéraire, il a longtemps symbolisé, par analogie avec sa pousse verticale, l'élévation de l'âme des défunts vers le soleil.
De nombreuses expressions sont inspirées du chou. Certaines font partie du langage courant, d’autres sont même entrées dans la littérature. "Bête comme chou" viendrait du fait que le chou a une tête mais ne pense pas. "Aller planter les choux" signifie se retirer à la campagne ou quitter la vie active tandis qu’"envoyer quelqu’un planter ses choux" veut dire le congédier. "Faire chou blanc" est peut-être une déformation de "faire coup blanc" c’est-à-dire ne rien abattre dans un jeu de quilles et par extension échouer dans une entreprise. D’après le Trésor de la langue française, "faire ses choux gras de quelque chose" a deux sens : "faire son profit ou son régal de ce que les autres dédaignent" et "exploiter une situation avantageuse". "Chou pour chou" signifie que chaque chose se vaut. L’expression "ménager la chèvre et le chou" veut dire ménager les deux parties. Les hommes naissent dans les choux puis finissent par "manger les choux par le trognon", expression remplacée aujourd’hui par "manger les pissenlits par la racine" !

Cette plante potagère est également utilisée en termes affectifs. Quelle mère n’a pas appelé ses enfants ne serait-ce qu’une fois "mon chou", "mon petit chou", etc. D’après Sallentin (fin XVIIIème siècle), poète et journaliste, une ancienne ordonnance de 1566 permettait aux pâtissiers de Paris de vendre des "ratons" et des "choux", espèces de pâtisseries délicates auxquelles on donnait la forme d’un rat ou d’un chou. De là les petits noms que les femmes donnèrent à leurs enfants.

En Corrèze, on dit qu’une personne "n’est pas plus haute qu’un chou" lorsqu’elle est de petite taille. Dans le Berry et à Valenciennes, on la compare à un "trou de chou" (trognon de chou). En Flandres, on dit que si vous étiez dans un champ de chou, on ne vous verrait pas. Enfin en Espagne, on dit qu’une petite personne ressemble au chou pommé(9).
Plusieurs expressions le lie à la bêtise. Dans Le Dictionnaire de la langue verte d’Alfred Delvau(10) datant de 1866, on peut trouver à propos de "bête comme chou" : « extrêmement bête, – dans l’argot des bourgeois, qui calomnient cette crucifère ». Dans un couvent, un frère déconsidéré par ses confrères se voit traiter de "frère coupe-choux", sous-entendu bon à couper les choux et par extension, on utilisera par la suite cette expression pour toute personne sans considération. D’ailleurs, le cardinal de Richelieu appelait Mazarin son frère coupe-choux, l’homme de l’ombre. A la mort de Richelieu, Mazarin deviendra le ministre de Louis XIII, et plus tard, c’est Colbert qui sera son frère coupe-choux. On donne également le nom de coupe-choux à un sabre court porté par les fantassins, à un rasoir à barbe et aussi à un instrument tranchant de mauvaise qualité.
La fermentation acide étant un moyen de conservation, le chou fermenté fut indispensable à la choucroute introduite par les Germains(11). Dès le néolithique on consomme des soupes acides de rameaux et de bourgeons de bouleaux. Les peuples slaves auraient consommé une sorte de choucroute primitive à partir du XIème siècle. La choucroute est composée traditionnellement de chou blanc pommé râpé et mis en saumure dans des tonneaux ou des jarres. Ce chou est assaisonné d'herbes aromatiques : baies de genièvre, cerfeuil, sureau, aneth, sauge, sarriette, fenouil, persil, raifort. Entre le XIIIème et le XVème siècle, il est question de gumbskrut ou gumboskrut qui deviendra sauerkappes (chou acide ou aigre). On parle de sauerkraut (herbe ou chou acide) en allemand et surkrut en alsacien à partir du XVIIème siècle. La choucroute se développe de manière significative au XVIIème siècle à Magdeburg et Strasbourg, cependant le commerce de choucroute ne se développe pas en France avant le XVIIIème siècle. L'accompagnement traditionnel de la choucroute est composé de charcuterie ou de viande d'oie. Il existe également des recettes anciennes à base de saumon pour les jours maigres.

En Irlande, pendant la période d’Halloween, une tradition consistait à envoyer les filles dans un carré de choux pour en arracher, avec leurs racines. La forme des racines (longue, courte, poilue, ou sans racine) était censée leur indiquer quel genre de mari elles auraient ! Une fois le chou arraché, elles le cuisinaient avec des pommes de terre et glissaient un anneau de mariage dans le plat ; elles devaient retrouver cette alliance pour être certaine d'être bientôt mariée. Ce plat agrémenté d'ail, de poivre, de sel et de beurre fondu s'appelle le colcannon.

Au Portugal, le chou est transformé en caldo verde, une variante de notre soupe au chou.
Les flatulences sont produites par la fermentation des fibres de cellulose. Pour éviter de tels désagréments et, de plus, éliminer le côté indigeste du chou, il suffit de le faire blanchir dans une première eau pendant cinq minutes, puis de le cuire dans une nouvelle eau. Les variétés chinoises sont plus digestes et engendrent beaucoup moins de flatulences.

Le chou assainit la peau à tendance grasse : pour cela, il suffit de boire une tasse de jus de cuisson d’un chou ou d’écraser une feuille de chou et de l’appliquer en cataplasme sur les parties grasses. Un cataplasme composé de chou vert peut également calmer le mal de dents.
Il existe une façon simple de redonner une nouvelle jeunesse à un tapis, c’est de le frotter avec un chou coupé en deux.



Le chou rouge
La couleur du chou rouge provient de pigments anthocyaniques bleus et rouges.
Dans le Poitou, le chou rouge a la réputation de soulager le mal de tête, en application d’une feuille sur le front.
Selon la légende, Dionysos, dieu grec du vin, aurait participé à leur naissance. Revenant d'Europe pour faire connaître le vin, il envahit la Thrace, lorsque Lycurgue s'interposa. Armé de son seul aiguillon à bœuf, il captura l'armée en entier, sauf Dionysos qui plongea dans la mer pour se cacher dans la grotte de Thétis. Rhéa, la déesse de la terre voulut se venger et rendit Lycurgue complètement fou en capturant son fils et en le torturant. Des larmes du roi qui tombèrent sur le sable naquirent des choux qui surgirent çà et là.



Le chou-fleur
Les choux-fleurs tels que nous les connaissons aujourd’hui proviennent principalement de Chypre et d’Asie Mineure, ils ont été importés en France par les marchands italiens. Le chou-fleur comme son nom l'indique est une inflorescence, un groupe de tiges ramifiées et développées qui portent des boutons floraux nuageux et blancs, qui n'écloront jamais. Des vestiges révèlent que ce légume était connu depuis plus de deux mille cinq cents ans. Il était cultivé en Égypte quatre cents ans avant notre ère. Les différentes variétés de choux, dont le chou-fleur, étaient connues des Grecs et des Romains ; les Saxons et les Celtes en cultivaient également. Les Romains l’appelaient caulifolia et l’offraient en cadeau comme bouquet pour son esthétique. Il a été introduit en Espagne par les Maures au XIIème siècle où il était appelé chou syrien. Tombé dans l’oubli durant une longue période, le chou-fleur réapparut au XVIème siècle grâce aux marins génois qui le rapportèrent de l’Orient comme un légume nouveau. La Quintinie, responsable des jardins et potagers du Roi Soleil, en faisait d'ailleurs venir des graines de Chypre. Ce n’est qu’à la fin du XVIIème siècle qu’on réussit à le multiplier par semis en France. C’est sous le règne de Louis XV qu’on le nommera "chou-fleur" et certaines préparations à base de chou-fleur "à la du Barry" (du nom de l’une des favorites du roi). Les premiers choux-fleurs avaient la taille d’une balle de tennis, puis on leur a donné la grande taille qu’ils ont maintenant.
L’expression "avoir les oreilles en chou-fleur" résulte de l’allure des oreilles après les coups que les boxeurs reçoivent sur le ring. C’est certainement le plus digeste de tous les choux, il est riche en sels minéraux et en vitamines (K, B et C, davantage que dans le jus d’orange).



Le brocoli
Brocoli vient de l’italien brocco qui veut dire pousse (ou selon d’autres sources, bras ou branche sur lequel repose la tête). Broccolo (et son pluriel broccoli) en est le diminutif. En France, l’usage du mot brocoli (avec un seul c) et sa consommation sont attestés depuis 1530. Le brocoli est un chou d’origine sauvage qui poussait sur les rivages de la Méditerranée. Au Moyen Age, le mot "brocoli" désignait le surgeon de chou qu’on apprêtait en salade. Il fut rendu populaire à la Renaissance par Catherine de Médicis sous la dénomination d’"asperge italienne". Il existe cependant quelques variations : des verts, des blancs et des types plus colorés. De par la forte immigration italienne aux États-Unis dans les années trente, le brocoli y fut implanté et c’est aujourd’hui un des légumes préférés des Américains.



Les "choux chinois"
Les "choux chinois" nous viennent d’Extrême-Orient. Le chou de Chine vient de la province de Canton. Le pe-tsaï (signifiant légume blanc) est le résultat de la lente amélioration d’une plante potagère locale. Introduit en Europe au XVIIIème siècle, il était considéré comme une plante à collectionner dans les jardins botaniques. En France, il fut connu par la prolifération des magasins asiatiques. Le pak-choï, quant à lui, a été introduit en Europe il y a quelques dizaines d’années seulement par le biais des épiceries asiatiques. Dans les pays d’Extrême-Orient, les différentes formes du chou de Chine font partie des légumes les plus consommés.





1. Les Crucifères possèdent une fleur en forme de croix. 
2. Nom donné à des peuples asiatiques turco-mongols. Les Huns occidentaux franchirent la Volga vers 370, provoquant ainsi les grandes invasions. 
3. Général et homme d’état romain (101 – 44 av. J.-C.). 
4. De 1337 à 1453. 
5. Législateur mythique de Sparte ayant vécu au IXème siècle av. J.-C. ou même avant. 
6. Guillaume Tirel dit Taillevent (1326 - 1395), il aurait écrit le livre de recettes de cuisine intitulé le Viandier de Taillevent ; il fut enfant de cuisine de Jeanne d'Évreux, queux du roi Philippe de Valois et du duc de Normandie, premier queux et sergent d'armes de Charles V et premier écuyer de cuisine du roi Charles VI. 
7. Jardinier français (1613 – 1700). Il devint jardinier du roi en 1645 puis contrôleur des bâtiments royaux. 
8. Auteur qui, sous le nom de Macer Floridus (Aemilius Macer), a écrit un poème sur les vertus des plantes : De viribus herbarum. Bien des conjectures ont été émises sur l'époque à laquelle vivait cet auteur; une chose est certaine, il n'est pas postérieur du XIIIème siècle, puisqu'il est souvent cité par Vincent de Beauvais. On l'a parfois identifié à Othon de Morimont ou, avec plus de vraisemblance, à Othon de Meung, qui vivaient l'un et l'autre au XIIème siècle ; parfois on en fait aussi un auteur de l'école de Salerne. 
9. D’après William Wheeler, Connaître, utiliser, savourer les légumes, pp. 16-18. 
10. 1825 – 1867. 
11. Multitude de peuples appelés aussi Barbares de Germanie. Leur origine est incertaine, ils venaient probablement des pays scandinaves.

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